La Commission européenne a récemment fait une annonce attendue depuis longtemps en proposant une sortie coordonnée de l’Union européenne du Traité sur la charte de l’énergie (TCE). Signé en 1994 par de nombreux pays, dont l’Union européenne, le TCE avait pour objectif de faciliter les relations énergétiques en Eurasie. Cependant, il est aujourd’hui critiqué pour permettre aux multinationales et aux investisseurs de poursuivre en justice les gouvernements qui modifient leurs politiques énergétiques. Cette menace plane sur la transition énergétique européenne.
Le sujet à l’agenda du conseil Énergie
Bien que l’UE ait tenté de moderniser le traité depuis 2018, les États membres n’ont pas réussi à trouver la majorité nécessaire pour ratifier cette version modernisée, malgré le soutien du Parlement européen. Plusieurs pays, dont la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark, le Luxembourg et l’Irlande, ont annoncé leur retrait individuel de l’accord et appellent désormais à un retrait coordonné à l’échelle du continent.
La proposition de la Commission européenne devra obtenir la majorité qualifiée au sein du Conseil de l’UE. Les discussions commenceront lors d’une réunion informelle des ministres de l’énergie à Valladolid, en Espagne, les 11 et 12 juillet. Certains pays, tels que Chypre, la Hongrie et la Slovaquie, préfèrent rester dans une version mise à jour de l’accord.
Un groupe de 25 ONG a également exhorté les ministres de l’Énergie à soutenir la proposition de la Commission européenne, arguant qu’un retrait coordonné offrirait la clarté juridique nécessaire pour accélérer la transition énergétique de l’UE loin des énergies fossiles et réduirait les risques de litiges liés aux politiques énergétiques et climatiques.
EDF gagne son arbitrage en Espagne
Actuellement, le TCE a donné lieu à 150 réclamations de différends entre investisseurs et États, totalisant des demandes de compensation de 115 milliards d’euros, avec près de 43 milliards d’euros accordés. Ces litiges ne se limitent plus aux majors pétrolières poursuivant les pays pour avoir abandonné les énergies fossiles ; ils portent également sur la réduction des subventions aux énergies renouvelables. Cette menace constante de litiges constitue un frein à la transition énergétique, car les pays peuvent hésiter à mettre en place des politiques plus vertes de peur d’être poursuivis en justice.
Par exemple, la France a été poursuivie pour la première fois en septembre 2022 par le producteur d’énergie renouvelable allemand Encavis AG pour avoir modifié ses tarifs de rachat de l’énergie photovoltaïque. De plus, l’Espagne a récemment perdu un arbitrage contre EDF, d’un montant d’environ 30 millions d’euros, en raison des coupes budgétaires du gouvernement de Mariano Rajoy dans les énergies renouvelables. Au total, 52 arbitrages ont été intentés contre l’Espagne devant différents tribunaux pour violation du Traité sur la Charte de l’énergie. Un retrait coordonné du TCE permettrait de limiter ces litiges, car la plupart d’entre eux concernent des pays européens poursuivis par d’autres pays européens.